Depuis Molière, Talma fut le comédien le
plus prestigieux de son époque.
Fils d'un célèbre dentiste, Talma est destiné à cette même profession
mais le tournant de sa vie et surtout la passion des planches dès l'âge
de dix ans aura raison de sa destinée. En Angleterre où il rejoint son
père installé, il apprécie le théâtre élisabéthain, il rencontre de
jeunes français et s'initie à la scène. Nous sommes en 1776. Il rentre
en France en 1785, son père a fait de lui un dentiste, il s'établit.
Il rencontre Molé et Dugazon, il leur parle de son amour du théâtre,
les conseils des comédiens professionnels sont tout de suite appliqués,
il suit les cours du conservatoire et débute au Théâtre Français quinze
jours plus tard le 27 novembre 1787. En 1789 il acquiert le titre de
sociétaire. Talma fut reconnue dès lors comme un comédien talentueux,
il apporta un nouveau souffle de vérité dans sa façon de construire
un personnage. Il s'attacha à la diction naturelle, à la gestuelle et
même aux costumes.
Lié avec les artistes les plus renommés de l'époque, il se plut à visiter
les musées, à scruter les monuments, à consulter les manuscrits anciens,
à étudier les draperies. Toutes ces recherches furent mises au service
du personnage qu'il apporta en complétant la révolution dramatique commencée
par Louis Lekain.
Il parvint à ignorer le faux à force de démontrer le vrai. La vérité
couronna ses efforts. Le rôle de Brutus fut son plus grand rôle, il
ne cessa de le travailler. Il développa ce caractère avec précision
et surtout avec une connaissance profonde de l'Antiquité.
Ce personnage se fondit et se confondit en lui à force de passion et
d'études.
Un nouvel artiste était né, une vocation avait étreint un homme poursuivant
une voie qui le portait au-dessus de lui. Talma fit l'admiration de
tous, spectateurs, peintres, rois, empereurs. Il me semble que le roi
de la scène peut être cité comme un modèle de hardiesse à une époque
où tout était à refaire en matière d'interprétation.
Ses Réflexions sur l'Art Théâtral nous révèlent le professionnalisme
de l'artiste et montrent à quel point le jeu verbal est une technique
indispensable.
Talma fut le comédien préféré de Napoléon Bonaparte à qui il donnait
des cours de diction et de maintien. Quand l'empereur le vit interpréter
César dans la Mort de Pompée, il crut voir le gouverneur de Rome en
chair et en os.
Talma a réinventé la manière de jouer et a prôné le naturel. Il a instauré
une nouvelle façon de voir les choses en proposant de jouer les personnages
vêtus selon leur temps. Il s'imposa dans cette difficile entreprise
et essuya tous les revers, en butte aux sarcasmes et aux moqueries,
il produisit tout de même l'enthousiasme grâce à son génie.
Il épousa une jeune fille, riche et belle : Julie Careau. Cette dernière
reçut dans son salon toute l'élite littéraire de l'époque. En 1789,
Talma accepte le rôle du Roi dans Charles IX, la nouvelle pièce de Joseph
Chénier. Un immense succès couronne notre immense comédien, mais à la
33ème représentation, l'Eglise interdit la pièce et une polémique à
double tranchant vient déstabiliser le Théâtre Français.
On nomme Talma " Le Révolutionnaire " et l'on refuse même
de jouer avec lui.
En 1791, Talma quitte le grand théâtre et trouve asile dans la nouvelle
salle de la rue Richelieu construite en 1785. Ce lieu est appelé : "
Théâtre de la République ".
En 1807, il fut appelé au Conservatoire en tant que professeur. Il continue
de camper les personnages les plus sublimes et les plus difficiles :
Assuérus dans Esther, Plaute ou la Comédie latine de M. Lemercier, Hamlet,
Une maladie l'éloigne du théâtre jusqu'en 1810. En 1811, il reparaît.
Mahomet II de M. Baour-Lormian, le Ninus II de M. Briffaut, Rodrigue
dans le Cid etc
même ses détracteurs se plièrent et devinrent
ses admirateurs, tellement il sut conserver cette vérité historique.
Madame de Staël dit de Talma qu'il a dépassé les intentions du poète.
En 1812, Talma a une liaison avec la princesse Pauline Bonaparte, sur
de Napoléon. On raconte que jamais Talma ne fut plus beau de gloire
que dans les dernières années de sa vie, il donna jusqu'au dernier souffle,
le langage de l'âme et tous les moyens qu'il avait puisés pour éblouir
le parterre qui l'attendait et l'admirait.
Il s'éteint le 21 octobre 1826. Paris tout entier assista à ses funérailles.
Alexandre Dumas trace dans ses mémoires la fin du prodigieux comédien.
©
Martine Amsili
|