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Au-delà
des apports venus d'autres langues, (les anglicismes sont
furieusement à la mode ces dernières décennies)
le Français s'est développé au fil du
temps, perdant certaines branches mortes tandis que d'autres
se ramifiaient. C'est ainsi que, de génération
en génération, des associations d'idées,
des glissements de sens, et parfois des malentendus ont peuplé
le vocabulaire de mots qui, bien que différents dans
leur signification actuelle, n'en remontent pas moins à
la même racine.
En grappillant sur des sites spécialisés (*)
, j'ai récolté quelques exemples prompts
à témoigner de la vitalité de notre langue. |
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Calculons
les petits cailloux calcaires calcinés |
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En latin,
le mot calx, calcis désignait la chaux ainsi que la
pierre calcaire (dérivé de l'adjectif calcarius),
dont on la tire par cuisson dans un four (d'où le mot
calciné). Le mot latin a fini par s'étendre
plus généralement à toutes les formes
de pierre. La voie romaine empierrée, la [via] calceata,
a ainsi abouti à la chaussée.
Le diminutif calculus (petite pierre), qui a laissé
la chaille en langage régional, est passé par
le dialecte picard pour fournir au français le mot
caillou. Or, les Romains se servaient de petits cailloux,
les calculi, pour compter. Par glissement, le mot a donc fini
par désigner l'opération elle-même, d'où
le calcul, la calculette étant, au sens figuré,
le sournois calculateur. A noter que le sens pierreux d'origine
est rétabli dans une tardive fabrication savante, le
calcul rénal.
Ce qui laisse à penser que lorsqu'un gouvernement se
penche sur les calculs de nos salaires, ça fait comme
un petit coup de calcaire. |
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La
clé du clavecin est au clou |
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Le latin
clavis et son synonyme clavus désignaient à l'origine la tige
que l'on passait dans des anneaux superposés pour fermer un
battant. Au fur et à mesure que la serrurerie se perfectionnait,
clavis a évolué en clef, alors que clavus, restant associé
à une tige métallique, devint clou. D e son côté, le diminutif
clavicula a donné la cheville, d'abord pièce mécanique puis
articulation du pied. Plus tard, les anatomistes formèrent
sur cette racine le mot clavicule, os exclusivement humain
en forme de clef. La clef est aussi une pièce articulée d'instrument
de musique, d'où le clavecin ("cymbalon à clefs", du latin
médiéval clavicymbalum) et le clavier du piano puis de la
machine écrire. L'ère technologique avançant l'a tout naturellement
attribué à l'ordinateur. Reste qu'on n'a toujours pas retrouvé
le fabricant de la clé des champs (lexicaux ou non) |
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Des
crevettes et des chèvres |
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Le latin
capra a donné la chèvre (dont le câpre, malgré sa parenté
linguistique n'a strictement rien à voir. En revanche le Capricorne
est comme son nom l'indique presque, ...un bouc flanqué d'une
corne). Par analogie, c'est avec son diminutif chevrette que
l'on désignait, en ancien français, un crustacé dont les bonds
dans l'eau rappellent ceux d'une jeune chèvre qui gambade.
Pus tard, c'est la forme usitée dans les dialectes picards
et normands qui s'imposa, sous la forme crevette. |
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Cosmétique
cosmique |
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Le terme
grec de kosmos signifiait (à peu près) "le bon ordre". L'école
de Pythagore, qui considérait que les nombres, d'essence divine,
étaient à la source de toute chose, s'en servit pour désigner
l'ordonnance harmonieuse de l'Univers. De là le cosmos et
les cosmonautes actuels. Remplacés progressivement par les
astronautes tant il est préférable d'avoir quelque chose à
visiter (les astres) quand on part aussi loin. Mais en Grèce
antique, la notion de bon ordre ne s'appliquait pas qu'à l'Univers
; kosmos servait aussi à évoquer le bel agencement de la parure
féminine. Ainsi Platon désignait-il sous l'expression kosmêtikê
tekhnê (formée avec le féminin de l'adjectif kosmeticos) l'art
de se parer et de s'embellir. D'où l'adjectif cosmétique,
utilisé aussi comme nom féminin pour l'art en question, et
au masculin pluriel pour les produits qui le facilitent. Malgré
des appâts rances, tout cela n'a rien de comique. |
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La
cuisse sur le coussin |
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Le latin
coxa désignait la hanche et cuisse se disait femur. Avec l'arrivée
des Francs au Moyen Âge, le germanique hanka se substitua
à coxa pour la hanche, et coxa descendit le long de la jambe
pour finalement donner le français cuisse. Pour améliorer
le confort des sièges trop dur, on les recouvrait d'un coxinus,
ainsi nommé parce que cet objet rembourré se plaçait sous
les cuisses. Ainsi le coxinus devint le coussin. Pour autant,
concernant le coccyx qu'on eut pourtant trouvé en bonne place,
contre toute attente c'est au coucou (kokkux, chez les grecs
où il fait bon se faire voir) qu'il doit son nom, cet os ayant
été comparé au bec du dit oiseau. |
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Du
grain aux grenades |
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Le mot latin
granum et son pluriel grana ont respectivement fourni le grain
et les graines. En latin littéraire, le bâtiment où l'en entreposait
ces précieuses denrées se nommait granarius, d'où le grenier,
alors qu'en latin vulgaire, on employait le mot granica, d'où
la grange. L'adjectif granatus, grenu, a quant à lui abouti,
par le biais de l'italien granito, au français granit, une
roche dont la surface est plutôt granuleuse. Au féminin, granatus
qualifiait la poma granata, un fruit plein de pépins qui devint
la pomme grenade et que l'adjectif grenade, substantivé, suffit
désormais à désigner. En dérive la grenadine qui n'est en
rien le jus de la grenade mais un vulgaire sirop aromatisé
de jus de fruits rouges, de vanille et, accessoirement, de
citron. Par métaphore, on baptisa aussi grenade le projectile
dont la forme évoque celle de fruit et dont les éclats peuvent,
eux aussi, occasionner de nombreux pépins. |
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Des
grenouilles sous les renoncules |
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Le latin
rana, qui désignait la grenouille, est devenu raine en ancien
français, dont seul subsiste aujourd'hui le diminitif, chez
la rainette. Mais la rana latine avait elle aussi son diminutif.
Et c'est donc de ranuncula (la petite grenouille), transformée
en ranucula par le latin vulgaire, que le français médiéval
tira la renouille, laquelle possédait encore des proches parentes
dans le patois romand sous la forme renaille (ainsi les habitants
du village vaudois de Denens sont-ils surnommés les Fouettâ-renailles,
car ils bastonnaient autrefois les batraciens dont les coassements,
dans les douves du château, troublaient le sommeil du seigneur
local!). Au 16ème siècle, les botanistes formèrent, sur le
latin ranuncula, le nom d'une plante qui pousse en terrain
humide riche en grenouilles, et qui devient la renoncule.
Quant à la coassante renouille, elle fut affublée d'un g initial
pour de mystérieuses raisons, sur lesquelles les linguistes
n'ont pas fini de grenouiller. |
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Le
joug conjugal |
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Le latin
jugum désignait la pièce d'attelage qui devint le joug. Le
mot jumentum (formé sur jugsmentum) qui signifie "animal sous
le joug", désigna rapidement l'attelage de chevaux, d'ânes
ou de mulets, par opposition à l'attelage de bœufs. Puis il
prit rapidement le sens de cheval de trait. Et comme on attelait
de préférence les femelles, il engendra la jument. Quant au
verbe jungere, atteler, il aboutit au français joindre, et
son participe junctus donna joint, que pour des questions
juridiques il est parfaitement déconseillé de fumer. Avec
le préfixe cum, qui évoque l'idée de réunir, cela a donné
les conjoints, littéralement: ceux qui sont sous le même joug.
Jésus n'avait-il pas raison de prétendre que lorsqu'on se
prenait une baffe il fallait tendre l'autre joug? |
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De
la vase dans le lave-vaisselle du vaisseau |
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Le latin
vas, qui correspond à un récipient destiné à contenir du liquide,
est à l'origine du mot vase. Son diminutif vascellum (petit
vase), a connu un destin nettement plus riche : au Moyen Âge,
son sens d'objet creux avec contenance s'était étendu aux
bateaux, d'où le vaisseau. Par analogie, ce mot désigna aussi,
dès le 14ème siècle, le "moyen de transport" du sang vers
les organes. Puis, l'exploration des océans ayant fait place
à celle de l'espace, le vaisseau devint spatial. Quant au
pluriel de vascellum, (vascella) qui désignait en latin l'ensemble
des récipients de cuisine et de table, il s'est mué en vaisselle.
Pour l'anecdote (et totalement hors propos si ce n'est la
similarité phonétique) le mot vasistas, issu
de l'allemand, provient d'un étonnant calembour: il
répondait à la question d'un visiteur bien curieux
demandant "was is das" (qu'est ce que c'est? en
germain dans le texte). Ne sachant que répondre, la
question finit par définir l'objet. |
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Les
muscles mous de Mickey Mouse |
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En latin,
deux mots désignaient la souris: sorex, dont l'accusatif
soricem a donné notre souris, et mus, qu'on retrouve
dans l'anglais mouse. Le diminutif de mus, musculus, s'appliquait
à la petite souris, mais aussi à un coquillage
de taille similaire et dont la forme oblongue et dodue rappelait
ledit rongeur : devenu mousle en ancien français, ce
coquillage s'appelle aujourd'hui la moule. Et c'est par analogie
également que musculus était utilisé
pour le muscle, dont la forme et les mouvements sous la peau
faisaient penser à ceux de la souris. |
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