Détournements sémantiques:
des "cotisations" aux "charges" sociales
les ressources humaines
sur les "partenaires" sociaux
des licenciement aux "plans sociaux"
 
     
     
     
     
       
  Introduction à la sémiologie  
 
L'étymologie est une science qui étudie (et recherche) l'origine des mots et leur formation. En effet, il n'y a rien d'hasardeux, ni d'accidentel à donner tel nom à tel objet, tout ceci découle d'une histoire et correspond à des critères rigoureux et précis.
La sémantique est le champ lexical qui recouvre (explicitement ou tacitement) tel ou tel vocable.
La sémiologie est l'étude de cette discipline.
 
 
 
Ainsi, par exemple, pour le mot "vocable", la sémantique nous ouvre un large éventail qui va de vocabulaire à vocal, en passant par voix, vocalise ou vocatif. Mais aussi des termes, apparemment moins évidents comme invoquer, révoquer, vocation, vociférer, vocératrice, voyelle et même avocat.
Je parlerai ici de cousinage terminologique.
 
 
 
 
   
  Les mots cousins
Et puisqu'on en est aux affaires de familles, je tenais à vous présenter des "mots cousins"
Notre langue, au cours de son histoire, (et quoi qu'en disent certains esprits chagrins, persuadés qu'elle s'appauvrit de jour en jour) s'est enrichie de greffes successives.
 
 
Au-delà des apports venus d'autres langues, (les anglicismes sont furieusement à la mode ces dernières décennies) le Français s'est développé au fil du temps, perdant certaines branches mortes tandis que d'autres se ramifiaient. C'est ainsi que, de génération en génération, des associations d'idées, des glissements de sens, et parfois des malentendus ont peuplé le vocabulaire de mots qui, bien que différents dans leur signification actuelle, n'en remontent pas moins à la même racine.
En grappillant sur des sites spécialisés (*) , j'ai récolté quelques exemples prompts à témoigner de la vitalité de notre langue.
 
  Calcul de cailloux calcinés
  La clé du clavecin est au clou
  Des crevettes et des chèvres
  Cosmétique cosmique
  La cuisse sur le coussin
  Du grain aux grenades
  Des grenouilles sous les renoncules
  Le joug conjugal
  De la vase dans le lave-vaisselle
  Les muscles mous de Mickey Mouse
   
Calculons les petits cailloux calcaires calcinés
 
En latin, le mot calx, calcis désignait la chaux ainsi que la pierre calcaire (dérivé de l'adjectif calcarius), dont on la tire par cuisson dans un four (d'où le mot calciné). Le mot latin a fini par s'étendre plus généralement à toutes les formes de pierre. La voie romaine empierrée, la [via] calceata, a ainsi abouti à la chaussée.
Le diminutif calculus (petite pierre), qui a laissé la chaille en langage régional, est passé par le dialecte picard pour fournir au français le mot caillou. Or, les Romains se servaient de petits cailloux, les calculi, pour compter. Par glissement, le mot a donc fini par désigner l'opération elle-même, d'où le calcul, la calculette étant, au sens figuré, le sournois calculateur. A noter que le sens pierreux d'origine est rétabli dans une tardive fabrication savante, le calcul rénal.
Ce qui laisse à penser que lorsqu'un gouvernement se penche sur les calculs de nos salaires, ça fait comme un petit coup de calcaire.
   
La clé du clavecin est au clou
haut de page
Le latin clavis et son synonyme clavus désignaient à l'origine la tige que l'on passait dans des anneaux superposés pour fermer un battant. Au fur et à mesure que la serrurerie se perfectionnait, clavis a évolué en clef, alors que clavus, restant associé à une tige métallique, devint clou. D e son côté, le diminutif clavicula a donné la cheville, d'abord pièce mécanique puis articulation du pied. Plus tard, les anatomistes formèrent sur cette racine le mot clavicule, os exclusivement humain en forme de clef. La clef est aussi une pièce articulée d'instrument de musique, d'où le clavecin ("cymbalon à clefs", du latin médiéval clavicymbalum) et le clavier du piano puis de la machine écrire. L'ère technologique avançant l'a tout naturellement attribué à l'ordinateur. Reste qu'on n'a toujours pas retrouvé le fabricant de la clé des champs (lexicaux ou non)
   
Des crevettes et des chèvres
haut de page
Le latin capra a donné la chèvre (dont le câpre, malgré sa parenté linguistique n'a strictement rien à voir. En revanche le Capricorne est comme son nom l'indique presque, ...un bouc flanqué d'une corne). Par analogie, c'est avec son diminutif chevrette que l'on désignait, en ancien français, un crustacé dont les bonds dans l'eau rappellent ceux d'une jeune chèvre qui gambade. Pus tard, c'est la forme usitée dans les dialectes picards et normands qui s'imposa, sous la forme crevette.
   
Cosmétique cosmique
haut de page
Le terme grec de kosmos signifiait (à peu près) "le bon ordre". L'école de Pythagore, qui considérait que les nombres, d'essence divine, étaient à la source de toute chose, s'en servit pour désigner l'ordonnance harmonieuse de l'Univers. De là le cosmos et les cosmonautes actuels. Remplacés progressivement par les astronautes tant il est préférable d'avoir quelque chose à visiter (les astres) quand on part aussi loin. Mais en Grèce antique, la notion de bon ordre ne s'appliquait pas qu'à l'Univers ; kosmos servait aussi à évoquer le bel agencement de la parure féminine. Ainsi Platon désignait-il sous l'expression kosmêtikê tekhnê (formée avec le féminin de l'adjectif kosmeticos) l'art de se parer et de s'embellir. D'où l'adjectif cosmétique, utilisé aussi comme nom féminin pour l'art en question, et au masculin pluriel pour les produits qui le facilitent. Malgré des appâts rances, tout cela n'a rien de comique.
   
La cuisse sur le coussin
haut de page
Le latin coxa désignait la hanche et cuisse se disait femur. Avec l'arrivée des Francs au Moyen Âge, le germanique hanka se substitua à coxa pour la hanche, et coxa descendit le long de la jambe pour finalement donner le français cuisse. Pour améliorer le confort des sièges trop dur, on les recouvrait d'un coxinus, ainsi nommé parce que cet objet rembourré se plaçait sous les cuisses. Ainsi le coxinus devint le coussin. Pour autant, concernant le coccyx qu'on eut pourtant trouvé en bonne place, contre toute attente c'est au coucou (kokkux, chez les grecs où il fait bon se faire voir) qu'il doit son nom, cet os ayant été comparé au bec du dit oiseau.
   
Du grain aux grenades
haut de page
Le mot latin granum et son pluriel grana ont respectivement fourni le grain et les graines. En latin littéraire, le bâtiment où l'en entreposait ces précieuses denrées se nommait granarius, d'où le grenier, alors qu'en latin vulgaire, on employait le mot granica, d'où la grange. L'adjectif granatus, grenu, a quant à lui abouti, par le biais de l'italien granito, au français granit, une roche dont la surface est plutôt granuleuse. Au féminin, granatus qualifiait la poma granata, un fruit plein de pépins qui devint la pomme grenade et que l'adjectif grenade, substantivé, suffit désormais à désigner. En dérive la grenadine qui n'est en rien le jus de la grenade mais un vulgaire sirop aromatisé de jus de fruits rouges, de vanille et, accessoirement, de citron. Par métaphore, on baptisa aussi grenade le projectile dont la forme évoque celle de fruit et dont les éclats peuvent, eux aussi, occasionner de nombreux pépins.
   
Des grenouilles sous les renoncules
haut de page
Le latin rana, qui désignait la grenouille, est devenu raine en ancien français, dont seul subsiste aujourd'hui le diminitif, chez la rainette. Mais la rana latine avait elle aussi son diminutif. Et c'est donc de ranuncula (la petite grenouille), transformée en ranucula par le latin vulgaire, que le français médiéval tira la renouille, laquelle possédait encore des proches parentes dans le patois romand sous la forme renaille (ainsi les habitants du village vaudois de Denens sont-ils surnommés les Fouettâ-renailles, car ils bastonnaient autrefois les batraciens dont les coassements, dans les douves du château, troublaient le sommeil du seigneur local!). Au 16ème siècle, les botanistes formèrent, sur le latin ranuncula, le nom d'une plante qui pousse en terrain humide riche en grenouilles, et qui devient la renoncule. Quant à la coassante renouille, elle fut affublée d'un g initial pour de mystérieuses raisons, sur lesquelles les linguistes n'ont pas fini de grenouiller.
   
Le joug conjugal
haut de page
Le latin jugum désignait la pièce d'attelage qui devint le joug. Le mot jumentum (formé sur jugsmentum) qui signifie "animal sous le joug", désigna rapidement l'attelage de chevaux, d'ânes ou de mulets, par opposition à l'attelage de bœufs. Puis il prit rapidement le sens de cheval de trait. Et comme on attelait de préférence les femelles, il engendra la jument. Quant au verbe jungere, atteler, il aboutit au français joindre, et son participe junctus donna joint, que pour des questions juridiques il est parfaitement déconseillé de fumer. Avec le préfixe cum, qui évoque l'idée de réunir, cela a donné les conjoints, littéralement: ceux qui sont sous le même joug. Jésus n'avait-il pas raison de prétendre que lorsqu'on se prenait une baffe il fallait tendre l'autre joug?
   
De la vase dans le lave-vaisselle du vaisseau
haut de page
Le latin vas, qui correspond à un récipient destiné à contenir du liquide, est à l'origine du mot vase. Son diminutif vascellum (petit vase), a connu un destin nettement plus riche : au Moyen Âge, son sens d'objet creux avec contenance s'était étendu aux bateaux, d'où le vaisseau. Par analogie, ce mot désigna aussi, dès le 14ème siècle, le "moyen de transport" du sang vers les organes. Puis, l'exploration des océans ayant fait place à celle de l'espace, le vaisseau devint spatial. Quant au pluriel de vascellum, (vascella) qui désignait en latin l'ensemble des récipients de cuisine et de table, il s'est mué en vaisselle.
Pour l'anecdote (et totalement hors propos si ce n'est la similarité phonétique) le mot vasistas, issu de l'allemand, provient d'un étonnant calembour: il répondait à la question d'un visiteur bien curieux demandant "was is das" (qu'est ce que c'est? en germain dans le texte). Ne sachant que répondre, la question finit par définir l'objet.
   
Les muscles mous de Mickey Mouse
haut de page
En latin, deux mots désignaient la souris: sorex, dont l'accusatif soricem a donné notre souris, et mus, qu'on retrouve dans l'anglais mouse. Le diminutif de mus, musculus, s'appliquait à la petite souris, mais aussi à un coquillage de taille similaire et dont la forme oblongue et dodue rappelait ledit rongeur : devenu mousle en ancien français, ce coquillage s'appelle aujourd'hui la moule. Et c'est par analogie également que musculus était utilisé pour le muscle, dont la forme et les mouvements sous la peau faisaient penser à ceux de la souris.
   
(*): ce n'est pas une volonté manifeste de taire les auteurs des textes ci-dessus mais une simple maladresse de ma part qui m'a fait perdre leurs coordonnées. Si ceux ci reconnaissent leurs textes malgré mes interventions, qu'ils veulent bien se faire connaître afin que soit réparée cette injustice. Quoiqu'il en soit, ces auteurs sont en fait les échotiers d'un premier auteur dont ils ont l'élégance de signaler l'ouvrage de référence: "Les Etymologies surprises", de René Garrus (Paris 1988). CQFD.
 
 
 
  fermer la fenêtre imprimer la page haut de page