Certains prennent un chat parce qu’ils ne peuvent pas avoir de bébé, d’autres parce que c’est le cadeau le plus original qu’ils ont trouvé pour le noël de leur gosse, d’autres enfin pour qui la pauvre bête sert d’alibi permanent. Je crains d’appartenir à cette troisième catégorie.
Dès qu’ils perdent quelque chose, au moindre objet égaré, c’est comme une litanie dans la maison: « Crevette, qu’as tu fait de mon stylo ? », « Crevette où est ma gomme? », « …Qui a bouffé mon cahier ? »
Enfin, vous voyez le genre!
À la limite, je trouve ça un peu humiliant cette suspicion permanente. Un peu facile de tout me mettre sur le dos au lieu d’admettre qu’ils n’arrêtent pas de perdre leurs affaires.
Et tout ça pourquoi?
Parce que, faut pas croire, j’ai mon petit trésor, moi:
– Trois stylos à bille bleu, un stylo à bille noir, trois crayons HB, quatre bouts de gomme, huit pinces à linge, deux billes, une boulette de papier froissé et un morceau de je-sais-même-pas-ce-que-c’est
Voilà pour l’inventaire de mon petit magot.
Mais, je tiens à préciser que tout ceci m’appartient de façon le plus légal. Ce sont des butins de guerre, des prises effectuées au cours d’audacieuses campagnes de guérillas en milieu domestique. J’ai pris de terribles risques pour les obtenir, n’hésitant pas à monter sur la table ou à fouiller dans les placards.
Alors si vous aviez le moindre lien de parenté avec l’un de ces objets, considérez-vous comme définitivement orphelin. Oui, je sais, je sais ce que vous allez me dire: « C’était un cadeau de ma grand mère… c’est avant tout sentimental » Et je compatirais sincèrement à votre petit malheur mais, que voulez-vous, la vie est dure. Et, pour tout dire, moi-même ne m’a-t-on pas enlevée à ma famille alors que je n’étais qu’une fragile enfant? Qui sait si, privée de la sorte du sein maternel je n’ai pas développé une psychose ultra-utérine à tendance pathogène. Parce que c’est bien connu que « là où ça pathogène, y a pas de plaisir »