J’ai –encore– renversé mon bol de croquettes !
Non, non, ce n’est pas un accident. Franchement, me croyez-vous suffisamment gauche pour le renverser tous les matins ? Vous contenteriez-vous bêtement d’y voir les traces d’une sénilité avancée ?
Non, décidément non, ils n’arrivent pas à comprendre que je le fais exprès, qu’il existe une raison à mon geste et je n’hésiterai pas à dire, une bonne raison.
Mais tout ça, évidemment, échappe à leurs perceptions zétriquées de zumains mal finis. Ce manque de subtilité intuitive me navre au plus haut point mais que voulez-vous, maintenant que je les ai adoptés, j’en suis, en quelque sorte, responsable.
Alors, s’il faut vous mettre mon poing sur les lazzi, je tiens à vous informer que la composition de ces croquettes contient près de 0,21% d’additifs, lesquels sont nocifs pour mon pelage que -si vous l’avez remarqué- je m’applique à tenir quotidiennement soyeux. Serait-ce une sournoise atteinte à mon élégance naturelle ? J’y décelé également, jusqu’à 0,9% de conservateurs. Et il me semble avoir lu quelque part que trop de conservateurs font conserve.
Bref, c’est pas parce que je réclame des croquettes que je dois forcément les manger !
Parfois, c’est juste pour faire joli dans mon assiette. Je sais ma pitance assurée et cette seule pensée suffit à mon bonheur.
Enfin, pour ce qui est de la première demie-heure
Parce que le problème, c’est que ça sèche, ça durcit, ça racornit… et ça devient vite immangeable. Du genre beurk de la maison Beurk !
Et vous me connaissez, il est hors de question que j’avale une nourriture frelatée. C’est d’ailleurs marqué sur la boite: pas plus de 12 heures à l’air libre. Bon, moi j’ai pas trop la notion du temps -une journée ou une heure, c’est un peu la même chose- mais, je vois bien qu’elles ont une sale tête ces croquettes, une méchante tronche de plus de douzeurs à . Elles me regardent de travers avec leurs petits yeux sournois et j’aime pas trop ça. Allez tiens, un petit coup de patte sur le bol et je te les envoie valdinguer. Si avec ça mes zoms ne pigent pas, c’est à désespérer du genre humain.
(…) Et puis, pour être parfaitement honnête, j’ai repéré, dans le frigo, un petit morceau de poisson qui ferait bien mon affaire. Oh pas bien gros mais… tellement beau ! Et convivial avec ça; je l’entends qui m’appelle et me parle. Je sais qu’il m’attend et, dès que la porte est entrouverte, j’essaie d’y pénétrer pour saluer ce charmant poisson. En tout bien tout honneur, soyez-en surs. Mais, y a toujours un bras de mon zumain pour me rattraper avant que je n’atteigne le bac à légumes. Avec ses longues pattes, le rapport de force est franchement déséquilibré.
Heureusement, dans sa carapace de fer blanc, mon poisson est à l’abri mais je n’ignore pas que viendra ce jour où l’un de mes zumains le sortira et plongera une lame d’acier dans sa carapace pour mettre le poisson à nu. Et vider la boite dans une assiette.
Alors, ce jour, tout en pleurant sincèrement cette éphémère amitié, je ne manquerai pas de suçoter les arêtes de cet amour arrêté, les restes que me refileront mes zoms ou que j’irais piquer dans leur assiette. Ce sera mon ultime hommage à la gent poissonnière.
Mais, dans l’attente de ce Grand Soir, va-t-on ainsi continuer à nourrir nos amies les bêtes avec des boites de N’Importe-Quoi© quand il y a de si bonnes choses dans le frigo ? La Solidarité Numaine ne pourrait-elle pas m’en filer un morceau ?